Le 9 janvier 2020, à l’appel du Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée (SLECG), les
enseignants font grève pour dénoncer le « non-respect de la promesse du gouvernement d’engager
les enseignants contractuels au titre de salarié [de] la fonction publique et le refus du gouvernement
de relancer les négociations dans le cadre tripartite SLECG-patronat-gouvernement, suspendues […]
pour donner libre cours à l’opération d’assainissement du fichier du corps enseignant à la fonction
publique, dans laquelle le SLECG soupçonne l’existence de doublons et autres fictifs ». Le syndicat
appelle à reconduire cette grève de façon illimitée. Le même jour, sur l’axe Hamdallaye-Concasseur-
Gbessia, une marche est organisée par des élèves en colère, qui manifestent leur mécontentement face
à l’absence de leurs professeurs en classe. Pendant le rassemblement, des jeunes s’en prennent à des
automobilistes et à des passants. La circulation est perturbée. Ce même jour, un blessé par balle est
recensé à Wanindara, dans la commune de Ratoma. Par ailleurs, cette journée de grève du SLEGC du 9
janvier est marquée par deux nouveaux décès :
1) Mamadou Lamarana DIALLO, âgé de
21 ans. Il a été tué par une balle reçue
au niveau du cou à Wanindara marché,
dans la commune de Ratoma, le 9
janvier 2020. Il habitait en Espagne et
était rentré au pays pour les vacances.
Dans la soirée du jeudi 9 janvier 2020,
alors qu’il était en train de faire des
courses pour le baptême d’un de ses
frères, il aurait été touché par une balle
tirée par les FDS. Le grand frère de la
victime raconte les circonstances de
son décès : « On avait un baptême
vendredi à Wanindara. Donc hier, mon
frère et moi-même, nous étions occupés
dans les préparatifs dudit baptême.
Mamadou Lamarana DIALLO a été tué par balle
alors qu’il était allé chez notre grande soeur pour
récupérer des chaises. Selon mes informations,
il attendait qu’on ouvre le portail lorsqu’il y a eu
un mouvement de foule. Ça a coïncidé [avec le]
passage d’un pick-up de la police qui a ouvert le
feu. C’est là qu’il a reçu la balle. C’est un policier
qui a tiré sur mon frère », affirme-t-il. Un autre
témoin, présent sur les lieux du meurtre, explique
le déroulement des faits : « C’est aux environs du
carrefour qu’on [lui] a tiré dessus. Il n’était pas en
train de manifester ni avec des manifestants. Il y
avait de la foule au carrefour avec les militaires. Il a
été atteint par balle au niveau du cou. Finalement,
il a succombé de ses blessures ».
2) Fatoumata Binta DIALLO, âgée de 18
ans, élève en douzième année au sein du
groupe scolaire Salim de Dar es Salaam.
La jeune femme serait décédée le lundi
9 janvier 2020 à 15h00 d’une balle au
ventre tirée par des policiers positionnés
devant son domicile, à Hamdallaye. Selon
la cousine de la défunte, elles étaient
ensemble devant la concession de leur
famille, lorsque Binta a reçu une balle au
niveau de l’abdomen : « Elle est partie
à l’école le matin, elle est rentrée à la
maison à 14 heures. L’une de nos sœurs
l’a envoyée pour lui acheter de l’eau à
boire. À son retour, on était arrêtées, elle
et moi, devant notre concession, en train
d’observer les accrochages entre un
groupe de jeunes et les gendarmes qui
étaient stationnés dans notre quartier.
Quand ils ont commencé à tirer, je lui ai dit
rentrons. C’est à ce moment-là que je l’ai
vue tomber alors que j’étais à quelques
pas d’elle. Je lui ai demandé si c’est le
gaz qui l’a fait tomber. Elle a dit : “ils ont
tiré sur moi, je vais mourir”. Elle a touché
l’endroit où elle a reçu la balle et j’ai vu
le sang couler. J’ai appelé au secours, et
un groupe de jeunes est venu la prendre
pour l’emmener à l’hôpital Jean Paul
II. Mais, elle est décédée en cours de
route ». Son père revient lui aussi sur
les circonstances de son décès : « Elle est revenue de l’école hier. Après le repas, elle est
allée chercher de l’eau à boire. C’est en cours de
route qu’ils lui ont tiré dessus. Leur mission, c’est
de sécuriser les citoyens et leurs biens. C’est pour
cela qu’ils portent leur uniforme, et non pas tuer
les gens comme ils sont en train de le faire ». Alors
que la famille recevait des visites après le décès de
l’adolescente, des agents des forces de l’ordre se
sont introduits dans la demeure familiale en lançant
des gaz lacrymogènes, comme le raconte le père
de la jeune femme : « L’armée a vu les cohabitants
venir nous saluer de condoléances, ils sont venus
aussi nous attaquer ici. Avec des femmes, il n’y
avait personne, pas de garçon. On les a fait rentrer
dans la maison, on a fermé les portes. Lorsqu’ils
ont vu qu’on est tous rentrés dans la maison, ils
sont venus pour casser aussi la maison ».